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Alimentation en eau

Canal de Bourgogne : un déversoir sur le bief 27 du versant Saône à Saint-Victor-sur-Ouche.
Canal de Bourgogne : un déversoir sur le bief 27 du versant Saône à Saint-Victor-sur-Ouche.

Voie d’eau artificielle, le canal doit, pour s’alimenter en eau, puiser dans les ressources locales et surtout se doter de réserves propres, qui lui permettent d’obtenir une régularité de fonctionnement. Ainsi, petits ouvrages et grands réservoirs concourent à l’efficacité de l’ensemble.

Historiquement, les évaluations des ingénieurs les portaient à privilégier les ressources des cours d’eau voisins. L’irrégularité des pluies est très largement sous-estimée, comme le montrent les études d’Émiland-Marie Gauthey pour le canal du Centre2. Le manque d’eau apparaît comme une maladie chronique des canaux bourguignons. Il est résolu dans le temps de diverses manières ; la plus simple étant d’augmenter le nombre et la capacité de stockage des réservoirs.

La petite hydraulique

L’alimentation locale est très différente d’une voie d’eau à une autre. Chacune présente une particularité.

Canal du Centre : arrivée de la rigole régulatrice dans le bief 05 du versant Méditerranée à Ecuisses.
Canal du Centre : arrivée de la rigole régulatrice dans le bief 05 du versant Méditerranée à Ecuisses.
Canal de Bourgogne : déversoir de fond dans le bief 88 du versant Yonne à Tanlay.
Canal de Bourgogne : déversoir de fond dans le bief 88 du versant Yonne à Tanlay.

Le canal de Bourgogne détient certainement le record de la complexité et de la quantité de petits réseaux d’alimentation qui associent prise d’eau dans une rivière voisine, rigole, déversoir et aqueduc.

Canal de Bourgogne : réseau hydraulique alimentant le canal au niveau du bief 92 du versant Yonne à Saint-Martin-sur-Armançon.
Canal de Bourgogne : réseau hydraulique alimentant le canal au niveau du bief 92 du versant Yonne à Saint-Martin-sur-Armançon.
Canal de Bourgogne : déversoir de fond dans l’Armançon sur le bief 91 du versant Yonne à Tanlay.
Canal de Bourgogne : déversoir de fond dans l’Armançon sur le bief 91 du versant Yonne à Tanlay.
Canal de Bourgogne : déversoir de fond et sa rigole maçonnée dans l’Ouche sur le bief 47 du versant Saône à Velars-sur-Ouche.
Canal de Bourgogne : déversoir de fond et sa rigole maçonnée dans l’Ouche sur le bief 47 du versant Saône à Velars-sur-Ouche.

Le canal du Centre possède, en son point de partage, des rigoles de régulation des biefs spécialement conçues pour lui.

La Seille est à la tête d’un ensemble d’aqueducs sur les ruisseaux concourant à son alimentation.

Seille canalisée : Ponceau de la Barre de Jouvençon sur un affluent de la Seille.
Seille canalisée : Ponceau de la Barre de Jouvençon sur un affluent de la Seille.

Le canal du Nivernais, enfin, se caractérise par ses passages en rivière de plus en plus longs au fur et à mesure que l’on s’approche de son débouché dans l’Yonne. Le débit de ces grandes râcles est contrôlé par des barrages à aiguilles. Ce système est bien celui de la rivière aménagée, à une échelle plus importante que sur la Seille. Il est même précisé dans les archives que biefs de dérivation et lit de la rivière étaient empruntés indifféremment par les bateliers, lorsque les conditions étaient favorables3, ce qui fait que l’on ne parvient plus à distinguer la rivière du canal.

Canal du Nivernais : vue panoramique de la râcle de Basseville avec le barrage et le site d'écluse 51 du versant Seine à Surgy. On peut également voir la passerelle.
© P.-M. Barbe-Richaud, Service Patrimoine et inventaire, Région Bourgogne, 2013.

Les réservoirs

Canal du Nivernais : la digue séparant les étangs de Baye et de Vaux au point de partage à La Collancelle.
Canal du Nivernais : la digue séparant les étangs de Baye et de Vaux au point de partage à La Collancelle.
Canal de Bourgogne : « Plans et coupes des cinq réservoirs du point de partage destinés à l’alimentation du canal ». Archives départementales de la Côte-d'Or / SM 22520, réutilisation soumise à conditions
Canal de Bourgogne : « Plans et coupes des cinq réservoirs du point de partage destinés à l’alimentation du canal ». Archives départementales de la Côte-d'Or / SM 22520, réutilisation soumise à conditions

Pour les réservoirs, on observe une structure technique commune : une digue - ou barrage - crée une retenue d’eau, une tour de prise d’eau régule le niveau de la réserve en fonction des besoins et un déversoir de grande capacité évacue le trop-plein. Des rigoles conduisent cette eau au canal, au point de partage ou en aval. En amont, d’autres rigoles peuvent amener de l’eau vers le réservoir.

Les réservoirs ont aussi une fonction de régulation des rivières et d’écrêtage des crues permettant d’obtenir des débits d’eau plus réguliers et de faciliter le fonctionnement d’installations nécessitant la force hydraulique.

Les choix de départ sont bien différents sur chacun des canaux.

Canal du Centre : déversoir et aqueduc de l’ancien réservoir de La Villeneuve en amont du site de l'écluse 11 du versant Méditerranée à Saint-Julien-sur-Dheune.
Canal du Centre : déversoir et aqueduc de l’ancien réservoir de La Villeneuve en amont du site de l'écluse 11 du versant Méditerranée à Saint-Julien-sur-Dheune.

Sur le canal du Centre, à la fin du 18e siècle, Émiland-Marie Gauthey a choisi précisément un site où préexistaient des chapelets d’étangs, renforcés en aval par des réservoirs de petite capacité. De grandes rigoles étaient prévues. Le canal de Bourgogne possède un système complexe de réservoirs et de rigoles, pour alimenter son bief de partage. Tous les canaux ont souffert d’un manque d’eau chronique, lié à des facteurs divers à commencer par un défaut de calcul des pertes au début du projet ou une sous-estimation des infiltrations. Par conséquent, tout au long du 19e siècle, les réservoirs sont rehaussés et agrandis. Quelques nouveaux viennent même s’ajouter avec l’augmentation du trafic et du tonnage des bateaux qui nécessite plus d’eau dans le canal : c’est le cas des réservoirs de Pont-et-Massène (sur le canal de Bourgogne) et de Montaubry (sur le canal du Centre).

On peut remarquer qu’aujourd’hui ces grandes étendues d’eau sont aussi des lieux de loisirs et de développement d’écosystèmes, comme à Pannecière ou Baye, pour le canal du Nivernais et Cercey, pour le canal de Bourgogne.

Barrages

Canal de Bourgogne : « Réservoir de Panthier : Digue principale ». Archives départementales de la Côte-d'Or / SM 22520, réutilisation soumise à conditions
Canal de Bourgogne : « Réservoir de Panthier : Digue principale ». Archives départementales de la Côte-d'Or / SM 22520, réutilisation soumise à conditions

Les canaux étudiés présentent un catalogue de l’évolution des techniques de construction des barrages sur tout le 19e siècle. Les premiers réservoirs de petite capacité aménagés à la fin du 18e siècle pour le canal du Centre ont rapidement été envasés et ont disparu. Les plus anciens réservoirs conservés sont construits vers 1830 pour le canal de Bourgogne comme celui de Chazilly ou du Tillot.

La digue en terre, solidifiée par de la pierre de taille et du moellon, est épaulée par de puissants contreforts. Un peu plus tard, vers 1860, la capacité du réservoir de Montaubry, sur le canal du Centre, augmente, bien qu’utilisant les mêmes méthodes de construction. Le barrage de Pont-et-Massène, sur le canal de Bourgogne, constitue un bel exemple des années 1880. Sa digue présente toujours de puissants contreforts mais elle est en dos d’âne et arquée pour mieux résister à la poussée de l’eau. Édifié entre 1937 et 1949, le plus récent est celui de Pannecière, sur le canal du Nivernais, avec ses voûtes de béton en éventail.

Canal de Bourgogne : « Réservoir de Chazilly : Détail du barrage en maçonnerie ». Archives départementales de la Côte-d'Or / SM 22520, réutilisation soumise à conditions
Canal de Bourgogne : « Réservoir de Chazilly : Détail du barrage en maçonnerie ». Archives départementales de la Côte-d'Or / SM 22520, réutilisation soumise à conditions
Canal du Centre : digue du réservoir de Montaubry à Saint-Julien-sur-Dheune.
Canal du Centre : digue du réservoir de Montaubry à Saint-Julien-sur-Dheune.
Canal du Nivernais : voûtes en éventail du barrage-réservoir de Pannecière à Chaumard.
Canal du Nivernais : voûtes en éventail du barrage-réservoir de Pannecière à Chaumard.

Vie sur les réservoirs

Les barrages sont considérés comme des constructions sensibles, susceptibles de se rompre. Ils nécessitent donc la présence constante d’un technicien à la fois pour maintenir le niveau d’eau et pour manœuvrer les vannes. Afin de vérifier la solidité des installations, les réservoirs sont vidés régulièrement.  Des maisons, placées au droit de la digue à surveiller, facilitent le travail du barragiste qui doit aussi veiller à l’entretien des rigoles et des souterrains, pour assurer l’acheminement de l’eau jusqu’au canal.

Des pêcheries sont aménagées pour récupérer le poisson lors de la décharge complète du réservoir. Cet événement exceptionnel donne lieu à des fêtes particulières avec vente à la criée4. À cela s’ajoutent les activités quotidiennes liées à la pêche et l’observation de la faune et de la flore qui s’installent dans ces nouveaux écosystèmes.

Canal de Bourgogne : réservoir de Pont-et-Massène.
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Retour au texte 1 GAUTHEY Émiland-Marie, « Quatrième mémoire contenant les opérations faites pour parvenir au projet du canal de communication de la Saône à la Loire, en date de 1779, avec détails des jaugeages effectués par Gauthey et des quantités d’eau espérées », in Œuvres de M. Gauthey […], publié par Navier, Paris : Firmin Didot, 1816, t. 3.
Retour au texte 2 MAZOYER M., « Dérivation du canal du Nivernais dans la traversée de Clamecy », Annales des Ponts et Chaussées, 1902, p. 233.
Retour au texte 3 Photographies des années 1970 consultées à VNF - Direction territoriale Centre-Bourgogne - Subdivision de Dijon