Canal du Nivernais
La verrerie de Saint-Léger-des-VignesLe moulin de CrainL’usine Solvay de Clamecy

Activités

3. Une présence industrielle sporadique

L’industrie est présente sur le canal du Nivernais, mais pas de manière aussi importante que sur le canal du Centre. L’ouverture de carrières, l’installation de bassins de port et l’agrandissement des villes et villages sont autant d’indices d’un développement en cours au milieu du 19e siècle. Les chiffres du trafic indiquent un « âge d’or » vers 1880, avec un « boom immobilier » des années 1870 à 1900 à Limanton10, par exemple.

Les moulins, des points clés d’installation d’industries

Les moulins, placés sur les cours d’eau avant la construction du canal peuvent, grâce à cette nouvelle voie de communication, entamer une nouvelle vie. Certains ont d’ailleurs été achetés par l’administration pour servir de maison éclusière. Le meunier pouvait aussi être embauché comme éclusier. La plupart se situe sur l’Yonne, en amont d’Auxerre et était déjà présente au moment de la construction du canal. Depuis la deuxième moitié du 18e siècle, les moulins fournissaient l’énergie indispensable pour actionner les martinets battant le métal11. Le moulin de Preuilly, au bief 80 du versant Yonne voit ainsi son activité se développer. Situé sur un bief de dérivation de l'Yonne et du canal du Nivernais, sur la rive gauche, il se compose de trois niveaux éclairés par des baies cintrées. Le bief de dérivation est surmonté d'une passerelle en bois facilitant la continuité du chemin de halage.

Le moulin de Preuilly, situé rive gauche. Au premier-plan, le bief de dérivation et à droite, le canal. Bief 80 du versant Seine à Auxerre.
Le moulin de Preuilly, situé rive gauche. Au premier-plan, le bief de dérivation et à droite, le canal. Bief 80 du versant Seine à Auxerre.

Le moulin du Batardeau, à Auxerre, au bief 81 du versant Yonne, est fondé au 12e siècle. Il est transformé en 1882 en usine élévatoire des eaux pour alimenter la ville. La façade donnant sur le canal est percée d'une porte monumentale à deux vantaux ; elle est surmontée d'un blason aux armes de la ville d'Auxerre et est flanquée de consoles ornées de triglyphes et de gouttes. C’est aujourd’hui la Maison de l’eau et de l’environnement. Le moulin a conditionné l’installation dans les années 1830 d’une maison éclusière en aval du sas, à l’écart. Elle a été détruite au cours du 20e siècle pour laisser la place à des silos et a été remplacée par une grande maison en béton.

La façade du moulin du Batardeau, bief 81 du versant Yonne à Auxerre.
La façade du moulin du Batardeau, bief 81 du versant Yonne à Auxerre.
Les minoteries du « Moulin du Batardeau », bief 81 du versant Seine à Auxerre.
Les minoteries du « Moulin du Batardeau », bief 81 du versant Seine à Auxerre.

Des usines de grande envergure

Huit usines, dont le vaste ensemble industriel de Clamecy ou la carrière de Picampoix, doivent leur développement à la présence du canal du Nivernais.

Ensembles industriels situés entre la ligne de chemin de fer Nevers-Chagny et la rive droite du canal du Nivernais, bief 34 du versant Loire à Saint-Léger-des-Vignes.
Ensembles industriels situés entre la ligne de chemin de fer Nevers-Chagny et la rive droite du canal du Nivernais, bief 34 du versant Loire à Saint-Léger-des-Vignes.

Sur les 18 sites retenus lors de notre enquête, sept sont concentrés à l’extrémité Loire du canal, entre Saint-Léger-des-Vignes et Decize. La présence des mines de charbon de La Machine, situées non loin de là, n’y est certainement pas étrangère. Sur la rive droite de la Loire, face au barrage qui facilite l’entrée dans le canal, des vestiges de contreforts signalent une ancienne verrerie, fondée dès la fin du 18e siècle, et reconvertie en complexe sportif. Charbon et canal se complètent pour faire tourner une pompe à vapeur, installée dans un grand bâtiment en bordure de Loire. Cette station récupérait l'eau du fleuve pour alimenter les mines de La Machine appartenant aux Schneider mais aussi les verreries de Saint-Léger situées juste à côté12.

Les mines de La Machine obtiennent d’ailleurs un débouché direct et l’autorisation d’installer un port au lieu-dit « La Copine », au bief 34 du versant Loire. D’importantes installations industrielles s’accompagnaient de logements ouvriers. Tout est aujourd’hui démantelé.

Les années 1820 ont aussi vu prospérer l’exploitation de carrières de plâtre ou de pierre. A proximité du site d'écluse 35 du versant Loire, deux bâtiments d'exploitation de l’ancienne usine de plâtre Lecoeur ont été reconvertis en magasin de pompes funèbres. Le bâtiment abritant certainement les bureaux est toujours visible à droite : couvert d'ardoise, il se compose d'un rez-de-chaussée, d'un étage carré et d'un comble éclairé par une lucarne centrale.
A hauteur de ce même bief 35 du versant Loire, s’est développée l’importante usine de caoutchouc Kléber-Colombes, installée en 1942 à la place d’une ancienne usine de feutre.

Bien que ses infrastructures aient disparu, la carrière de Chevroches témoigne d’une forte activité industrielle à d’autres endroits du canal. Lui offrant un débouché aussi bien vers Paris que vers l’international, la voie d’eau a permis aux pierres de cette carrière de voyager jusqu’aux trottoirs de Londres ou vers Le Louvre à Paris13. Du porphyre était extrait sur le territoire de Sardy-lès-Epiry depuis très longtemps, et du kaolin arrivait sur le port de La Copine, à côté des mines de charbon. La carrière de Picampoix, ouverte en 1917, est toujours exploitée, de part et d'autre du canal, au niveau des biefs 20 et 21 du versant Seine. L'extraction se déroule sur la rive gauche. Les bâtiments d'exploitation sont quant à eux situés sur la rive droite. Une bande transporteuse passe au-dessus de la voie d'eau en amont du site d'écluse 21. Les bureaux sont sur la rive droite, à proximité du pont sur écluse. Elle fournit du granulat pour les voies ferrées ou les autoroutes, comme celle de La Vauvelle, située, comme Picampoix, près de Corbigny.

Développement local

Le développement local lié au canal est décelable à travers des équipements publics. Des lavoirs sont aménagés à proximité de la voie d’eau, qui ne les alimente que rarement, comme le lavoir-abreuvoir de Villiers-sur-Yonne sur la rive gauche du canal. De plan rectangulaire, ce lavoir à impluvium est construit en moellon enduit et couvert d'ardoise. Il est ouvert par deux portes ménagées dans les pans coupés de la construction. Les baies sont cintrées de claveaux en craie. L'abreuvoir est composé quant à lui d'un bassin et d'une rampe en moellon. Ils ont été construits en même temps que le canal. En effet, « en éloignant l'Yonne du village et en supprimant le bief du moulin [de Villiers-sur-Yonne], on ôta aux habitants de Villiers des abreuvoirs nombreux et des prises d'eau abondantes : on a remédié à ces inconvénients en construisant deux abreuvoirs, l'un à l'amont, l'autre à l'aval du village : ces abreuvoirs communiquent avec le canal par des petits aqueducs en maçonnerie de sorte que leurs eaux nivellent dans tous les cas avec les siennes »14.

Le lavoir-abreuvoir de Villiers-sur-Yonne, bief 43 du versant Seine.

La concurrence du rail

Les voies ferrées concurrencent le canal à partir des années 1870. On relève ainsi trois gares et dix ponts ferroviaires le long du canal, la ligne Auxerre-Clamecy étant par exemple mise en service le 4 juillet 187015.

Ancien pont-ferroviaire de la ligne Auxerre-Clamecy enjambant le bief 81 du versant Seine à Auxerre. A droite, le site de l’écluse 81 dite du Batardeau.
Ancien pont-ferroviaire de la ligne Auxerre-Clamecy enjambant le bief 81 du versant Seine à Auxerre. A droite, le site de l’écluse 81 dite du Batardeau.
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Retour au texte 1 HAGEAU Amable, Description du canal du Nivernais tel qu’il a été projeté pour la navigation du Bois, suivie d’un projet économique pour son Extension tendant à le faire servir au Commerce en général, 1790, Archives départementales de la Nièvre, 1 J 106.
Retour au texte 2 Ibid.
Retour au texte 3 MOSSÉ, Mémoire sur le canal du Nivernais, Clamecy, le 25 juin 1824, Archives nationales, F 14 6984. Mossé était ingénieur en chef de la première section du canal du Nivernais.
Retour au texte 4 COLAS Brigitte (sous la direction de), Pousseaux, Nièvre, Chartreuse de Basseville, Etude des sources historiques, volume 2 du rapport archéologique de l’INRAP en date de 2011, p. 27.
Retour au texte 5 MASSÉ Alfred, Histoire du Nivernais, Editions Traboules, collection Notre Histoire, 2011.
Retour au texte 6 HAGEAU Amable, Op cit.
Retour au texte 7 Une corde équivaut à deux à cinq stères de bois et un tonneau à environ 1, 44 m3. La corde peut varier d’un lieu à l’autre et aussi selon les types de bois considérés. DARCY-BERTULETTI Yvette, Tableau des mesures les plus courantes en usage dans le pays beaunois (http://www.beaune.fr/IMG/pdf/Metrologie.pdf , page consultée le 3 février 2015).
Retour au texte 8 HAGEAU Amable, Op cit.
Retour au texte 9 MASSÉ Alfred, Op. cit.
Retour au texte 10 PERE Pierre, « Le canal du Nivernais à Limanton, première partie […] », Bulletin municipal de Limanton, décembre 2010.
Retour au texte 11 MASSÉ Alfred, Op. cit.
Retour au texte 12 GRIBET M.-F., « Horace Busquet, Directeur des Houillères de Decize en 1900, maire de La Machine », in La situation du Nivernais en 1900, Actes du colloque qui s'est tenu les 13 et 14 octobre 2000, p. 133.
Retour au texte 13 Collectif, L’agglomération gallo-romaine de Chevroches (Nièvre), collection Archéologie en Bourgogne, DRAC Bourgogne, Dijon, 2006.
Retour au texte 14 « État des ouvrages effectués sur le canal du Nivernais », 1835, Archives nationales, F14 6984.
Retour au texte 15 BACHET Gaby, CUYNET Jean, Histoire du rail en Bourgogne, Pontarlier : Éditions du Belvédère, 2007.
Retour au texte 16 ARMINGEAT Mathilde, La patrimonialisation d’un canal : le cas du canal du Nivernais, mémoire de master 2, sous la direction de Jean-René Trochet, Université Paris IV-Sorbonne, 2014, p. 6.
Retour au texte 17 Ibid, p. 33.
Retour au texte 18 PAILLE Séverine, BOUTIN Vincent, Guide d’architecture en Bourgogne (1893 - 2007), CAUE de Saône-et-Loire, Paris : Editions Picard, 2008.